À peine venait-il de se glisser à l’intérieur de sa voiture et refermer la portière qu’Oran donna un grand coup de poing dans le volant. Bordel ! C’était quoi ce délire ? Le destin ne pouvait pas se montrer aussi cruel avec lui. Il avait perdu un compagnon qui était un oméga, il était hors de question que cela recommence à nouveau. Une fois lui avait suffi, il ne voulait pas revivre cela.
Et pourtant.
Il devait reconnaître qu’il ne pouvait pas ignorer la rencontre de cette nuit et encore moins le courant électrique qui était passé entre Sheridan et lui. Lorsqu’il avait vu la lumière de la moto cette nuit, alpha ou pas, il avait été tellement surpris qu’il s’était figé en plein milieu de la route. C’était très rare que quelqu’un vienne s’aventurer sur cette route. Plus personne ne le faisait depuis le drame qui avait frappé la communauté dix ans plus tôt. Mais ce qui l’avait le plus surpris avait été de découvrir le jeune oméga qui chevauchait la puissante moto. Il avait su qu’il en était un quand leur regard s’était croisé et surtout par la beauté qu’il était. Non pas que les autres loups-garous étaient moches, mais les omégas étaient d’une beauté presque irréelle. Et il devait reconnaître qu’il l’était et sur tous les plans.
Sheridan Mahoney était un beau brun aux yeux bleus glacier. Un nez légèrement tordu, des lèvres pleines et légèrement rosées. Ses traits étaient fins. Pas au point d’être androgyne, mais ils étaient assez puissants qu’ils en attiraient les regards. Il était plutôt petit, dans le mètre soixante-dix, mais c’était typique des omégas. Il avait un corps ferme et particulièrement bien musclé là ou il fallait. Ce qui était assez surprenant, car les omégas étaient généralement fins. Mais ce n’était pas le cas du jeune homme. Et de ce qu’il avait vu, il avait l’habitude de courir.
Dans son champ de vision, il vit l’objet de ses pensées sortir du supermarché, les bras charger de sacs. Il le regarda avancer et sut qu’il faisait une boulette quand il sortit de sa voiture et l’interpella :
— Sheridan ! Je sais que c’est totalement impromptu, mais… laissez-moi vous raccompagner.
Le jeune homme haussa un sourcil, mais l’expression de son visage était toujours aussi distante. Cela allait être difficile de s’approcher de lui.
— Je risque de vous mettre en retard pour votre travail, shérif. Je m’en voudrais grandement, lui répondit Sheridan.
— S’il y a le moindre souci, mon adjoint m’avertira. Je peux bien faire cela. Vous m’avez évité cette nuit.
Oran regarda Sheridan hésiter en se mordant la lèvre inférieure. Et bordel qu’il aimerait être celui qui faisait cela. Il aimerait lui faire beaucoup de choses en faite, mais comme il l’avait souligné dans le supermarché, il n’était pas fan des coups d’un soir. Il en avait, il ne s’en cachait pas, mais cela ne lui apportait guère de satisfaction. Enfin… jusqu’à sa rencontre avec le jeune oméga. Et il devait reconnaître que Sheridan était un bel homme.
Trop même.
— Alors j’accepte, lui répondit Sheridan.
Oran s’approcha du jeune homme et lui prit deux des quatre sacs de courses qu’il portait et d’un signe de la main lui fit signe de le suivre jusqu’à sa voiture. Alors qu’ils traversaient le parking, il pouvait sentit la brûlure du regard du jeune homme sur son dos. Sa nuque pour être plus précis. Et savoir qu’il pouvait voir la marque, qui disait qu’il avait été uni, le fit frissonner. Non pas qu’il avait honte de cette marque, parce qu’elle était son passé, mais il n’aimait pas la montrer.
Ils finirent par déposer les sacs dans le coffre de la GTO avant de monter à l’avant. Lorsqu’ils furent installés, Oran prit pleinement conscience de la présence du jeune oméga et de son odeur obsédante et du fait que c’était la première fois qu’il faisait monter quelqu’un à l’intérieur de son bébé. Il avait fini de la restaure un mois plus tôt et il la baptisait avec cet oméga tout juste débarquer en ville et aussi sexy que l’enfer lui-même.
Alors qu’Oran mettait le moteur en route, son regard fut attiré par la silhouette devant sa voiture. Il redressa la tête et posa son regard sur la personne devant eux. Le sourcil haussé, elle laissa ses prunelles naviguer entre Sheridan et lui. Putain, il manquait plus que cela, pensa Oran. Il fallait qu’ils tombent sur la seule personne à ne pas voir. L’une des femmes les plus commères du la communauté. D’ici une heure, toute la ville allait être au courant qu’il avait fait monter Sheridan dans sa voiture. D’ici la fin de la semaine, une rumeur serait lancée qu’ils étaient amants.
— Et merde ! siffla Oran entre ses dents.
— De quoi « et merde » ? demanda Sheridan qui était surpris.
Oran tourna la tête vers lui et le regarda. Bon sang ! Seigneur donnez-moi la force de lui résister. Il le devait.
-- Mais dis donc, il est sacrément mignon, résonna soudainement la voix d’Irvin dans l’esprit d’Oran.
-- Ni pense même pas, chéri. Il n’en est pas question.
-- Pourquoi ? Il serait parfait. Il est beau. Il est physiquement appétissant. Bref, un oméga parfait. Je vote pour.
Oran pouvait presque sentir Irvin sautiller dans son esprit.
— Je te dis que non. Je ne peux pas.
Irvin renifla fort glorieusement dans ses pensées. Bordel ! Qu’avait-il fait pour mériter cela.
-- Dis plutôt que tu ne veux pas, Oran. Pourtant il va bien falloir que…
-- Je ne veux plus en entendre parler. Je…
-- Oran ! s’écria Irvin.
-- Désolé chéri, répondit Oran. Laisse-moi y réfléchir. S’il te plait.
-- D’accord. N’oublie pas que je t’aime, amour. Et que je ferais tout pour te rendre heureux.
-- Je sais, mon cœur. Je t’aime aussi.
Oran rencontra de nouveau le regard de Sheridan. Le jeune homme le regardait avec un sourcil hausser, mais sur son visage était affiché de la… surprise ? Non, c’était autre chose. Il était aussi distant qu’il l’avait été un peu plus tôt dans le supermarché.
— Désolé, j’étais dans mes pensées. La femme qui nous regarde, enchaîna Oran.
— Oui. Elle a un souci ?
— Juste que c’est une des commères de Stone River.
Un long silence s’abattit après les paroles d’Oran. Il osa un coup d’œil vers le jeune homme et vit que celui-ci avait les yeux fermer et qu’il tentait visiblement de ne pas exploser. Et il le comprenait. Parfaitement. Oran lança un regard à la femme avant de passer la marche arrière et de quitter le parking. Étrangement, cela ne le gênait pas que Sheridan ne dise mot. Il n’avait pas su quoi lui dire. Et il doutait qu’un désolé convienne dans une telle circonstance.
Le chemin jusqu’à chez Sheridan se fit dans le plus grand des silences. Du coin de l’œil, il pouvait voir que son compagnon de route regardait le paysage qui défilait par la fenêtre. Il aurait aimé pouvoir rompre le silence, mais à quoi bon. Il ne souhaitait pas se mettre le jeune oméga à dos.
Lorsqu’il arriva devant la maison de Sheridan, il emprunta l’allée avant de se garer. Il avait été surpris quand il avait découvert où le jeune habitait après avoir entré le numéro de la plaque d’immatriculation de sa moto dans la base de données. La maison n’était pas vraiment faire pour une personne seule, mais plus pour une famille. Il y avait assez de place dans la maison pour accueillir un couple avec deux enfants. Et le terrain à l’arrière était également suffisamment grand pour avoir au moins un chien pour qu’il se défouler avec les enfants.
— Vous êtes arrivé, Sheridan, dit doucement Oran en brisant le silence de la voiture.
— Je vous remercie, lui répondit le jeune homme en ouvrant la portière afin de sortir.
Oran le regarda hésiter un moment pour refermer la portière avant de le voir se pencher. Et pour la troisième fois, il fut frappé pas le bleu de ses yeux.
— Je sais que vous m’avez dit que c’était pour me remercier de ne pas vous percuter, mais… sa vous dirait de boire une bière avec moi ?
Oran se retint de sourire.
— Avec plaisir.
Puis il sortit de sa voiture après avoir coupé le moteur de sa GTO.
***
Oran fut fasciné par l’aisance avec laquelle Sheridan naviguait dans sa maison. L’homme était jeune et pas un seul instant il ne c’était imaginer qu’il était capable de faire cela. Les jeunes actuels n’étaient pas vraiment fan pour faire quoi que ce soit. Il avait pensé que Sheridan était l’un d’eux. Imaginant une femme de ménage qui lui faisait tout. Mais ce n’était pas le cas.
— Tu fais tous tout seul dans cette maison ? lui demanda Oran en le tutoyant et en posant sa bouteille de bière sur le plan de travail.
— Ouais, répondit Sheridan. J’ai appris assez jeune à me débrouiller seul.
— Tu avais quel âge ?
— Quinze ans. J’ai vécu de petit boulot sans grande importance pour survivre, répondit-il en omettant de lui parler de Stern.
Oran fut sous le choc. À cet âge, il aurait dû être sous la protection de sa meute. Et non pas être obligé de subvenir à ses besoins tous seul. Il était un oméga bordel de merde. La meute avait le devoir de protéger ses membres. Et encore plus les omégas depuis le changement de leur statut.
— Ta meute ne t’a pas aidé ? demanda Oran en portant la bouteille de bière à ses lèvres.
— Non. Parce que j’ai volontairement fui, ma meute dit d’une traite Sheridan avant de prendre une longue gorgée de bière.
Oran pour sa part, manqua de recracher la sienne. Quels omégas dignes de ce nom et sain d’esprit quitteraient la protection de sa meute ? Il n’en connaissait aucun. La seule chose qui pouvait pousser un oméga à fuir sa meute était : soit la mort de ses parents. Soit le bannissement. Mais aucun alpha, aussi stupide soit-il bannirait un oméga. Encore plus s’il était aussi beau que Sheridan Mahoney.
Mais il se garda bien de le lui dire.
— Je peux te poser une question ? demanda doucement Oran.
Le regard suspicieux de Sheridan se planta dans le sien.
— Oui. Pas de souci, lui répondit le jeune homme en jouant avec sa bouteille.
— Nous sommes en pleine période estivale et pourtant, tu portes un polo à manches longues.
S’il n’était pas à la base un alpha attentif et un shérif, il n’aurait jamais pu voir le léger raidissement de Sheridan. Visiblement, il venait de toucher une corde sensible.
— Je suis très frileux, mentit partiellement le jeune oméga. C’est le comble pour un loup-garou d’avoir froid. J’ai toujours été comme cela.
Oran le dévisagea longuement et fit un signe de tête pour lui dire qu’il avait compris même s’il ne le croyait pas vraiment. Mais il n’allait certainement pas le lui dire. Ce n’était pas le moment. Il fallait qu’il le connaisse un peu mieux pour lui faire comprendre qu’il n’avait pas besoin de mentir.
— Dis-moi, pendant que je te tiens. Tu n’aurais rien vu de bizarre, toi qui habites vers la sortie de Stone River.
— Bizarre dans quel sens ? demanda Sheridan en terminant sa bière.
— Cela concerne les meurtres. J’ai posé des questions à tout le monde sauf à toi. Et je me demandais si tu avais vu quelque chose.
Le raidissement de Sheridan se fit plus prononcer que celui de tout à l’heure. Il pouvait voir son pouls battre la chamade sur sa gorge. Et il n’aimait pas cela. Vraiment pas.
— Je vois régulièrement des loups passés, mais de là à savoir si c’est les victimes et les meurtriers, je ne peux rien dire de plus.
— Donc rien, répondit Oran en voyant que le pouls du jeune oméga s’était calmé.
— Non. Rien, mais quoi qu’il arrive, si je vois quelque chose qui n’est pas normal, je te préviendrais.
— Je te remercie Sheridan.
Ils parlèrent encore longuement quand Oran finit par prendre congé du jeune homme. Sheridan l’accompagna jusqu’à la porte et lui souhaita bonne soirée. Il fit de même et monta dans sa voiture pour partir. Ce fut en partant qu’il remarqua au loin, dans le terrain de Sheridan, une tombe blanche. Il se promit de lui demander qui était enterré dans son terrain.
Une demi-heure plus tard, Oran garait sa GTO devant sa maison. Il regarda la bâtisse qu’il avait fait construire il y avait six ans. Quand il avait su qu’il était temps pour lui d’avancer, il l’avait fait construire.
— Elle est vraiment magnifique, amour. J’ai toujours su que tu avais bon goût, lui dit Irvin.
— Je sais que tu l’aimes. Tu as aimé la précédente. Elle lui ressemble, mais elle est différente sur bien des points, répondit Oran.
— Je sais, j’ai vu ça. Honnêtement, je la préfère. Non pas que je n’aimais pas l’autre, mais elle ne te ressemblait pas.
Oran sourit doucement aux paroles d’Irvin.
— Elle ne nous ressemblait pas, Irvin. Mais c’est dans notre première maison que j’ai mes meilleurs souvenirs.
— Ah ouais ? Lesquels ? demanda Irvin en sautillant.
Oran éclata de rire. Il reconnaissant bien là son compagnon. C’était ce qui faisait son charme.
— Ce que tu peux être curieux !
-- Toujours, amour répondit Irvin. Alors maintenant, dis-moi.
-- Tous d’abord, c’est sur mon perron que je suis tombé amoureux de toi. Tu passais avec tes parents et quand nos regards se sont croisés, c’était le coup de foudre pour moi. Ensuite, tu es entré par effraction juste pour me voir.
-- J’avais des circonstances atténuantes. Tu venais de rentrer nu d’une chasse. Je ne voulais pas te louper en train de te laver, se défendit Irvin.
-- Mouais. Tu aurais pu trouver autre chose que de lancer une pierre dans la vitre. J’ai manqué de te tirer dessus avec mon arme de service.
– Et c’était la plus belle vision qu’il m’a été donné de voir à ce moment-là. Tu étais… magnifique recouvert de mousse.
Oran se mit à sourire plus franchement.
— Et pour finir, c’est dans cette maison que je t’ai fait l’amour pour la première fois et que j’ai découvert que j’étais ton premier. J’étais si heureux, Irvin. Tellement heureux.
— Je l’étais aussi, mon amour. Je n’avais pas imaginé meilleur amant et compagnon de vie que toi. Je ne regrette rien. Je ne pourrais jamais rien regretter de ce que nous avons vécu ensemble.
— Je ne regrette rien non plus, chéri. Je ne regretterais jamais rien nous concernant. Tu as… Tu es les plus belles années de ma vie.
Oran frissonna quand il entendit les pleurs de son homme. Il n’avait jamais aimé le voir pleurer. Encore moins quand c’était à cause de lui.
— Tu es mes plus belles années aussi, mon amour. Et je m’en voudrais toujours pour la douleur que je t’ai affligée.
— Je t’en prie, tu n’as pas à t’en vouloir, Irvin. Jamais. C’était à moi de te protéger et j’ai échoué dans mon rôle de compagnon, répondit Oran en sentant ses larmes coulées. C’était mon devoir. Mon devoir de te protéger. De vous protéger.
Oran ne fut pas étonné de ne pas recevoir de réponse venant d’Irvin. Lorsqu’ils se remémoraient leur passé, cela ne finissait toujours pas des larmes et Irvin se retirait pour panser ses larmes.
Il resta longuement dans sa voiture avant de descendre. La lumière extérieure s’alluma de nouveau grâce aux détecteurs de mouvement et de présence qui entouraient toute la maison. Lorsque la maison avait été construite, il s’était assuré de faire installer un système de sécurité à la pointe de la technologie. Il ne voulait plus avoir des surprises ou plutôt des visions d’horreur en rentrant chez lui. Il avait demandé à un ami, ancien militaire reconvertit dans la création de systèmes de sécurité. Et il avait fait un travail remarquable.
Il déverrouilla la porte avant de poser sa main sur le scan pour l’empreinte de sa main afin de désactiver l’alarme. Puis quand il pénétra à l’intérieur, les lumières s’allumèrent sur son passage.
Il accrocha les clés et laissa son regard errer sur l’immense salon/salle à manger qui était ouvert sur la grande cuisine. Il avait souhaité cette grande pièce pour les réunions avec les anciens. Il ne souhaitait pas aller dans la salle des fêtes quand les sujets traitaient uniquement de la meute.
Oran se dirigea dans la cuisine et sortit une bouteille de bière avant de la décapsuler et d’en boire une longue gorgée. Puis il se rendit vers l’immense baie vitrée et laissa son regard errer sur l’obscurité. La même qui dix ans plus tôt avait vu sa vie basculer dans le néant.
— Je te promets de le protéger, mon amour. Je ferais en sorte qu’il ne lui arrive rien.
Et pour la première fois en dix ans, son cœur et celui de son loup se mirent à battre à l’unisson dans sa poitrine. Suivi de près pas l’écho de deux autres cœurs dont l’un lui était familier pour l’avoir si longtemps entendu contre lui.
— Merci de croire en moi, Irvin.
Toujours, crut-il entendre résonner dans sa tête.
Et il espérait au fond de son cœur, de son corps et de son âme qu’il ne foirerait pas comme la dernière fois.
Car il n’était pas sûr d’y survivre.
Et pourtant.
Il devait reconnaître qu’il ne pouvait pas ignorer la rencontre de cette nuit et encore moins le courant électrique qui était passé entre Sheridan et lui. Lorsqu’il avait vu la lumière de la moto cette nuit, alpha ou pas, il avait été tellement surpris qu’il s’était figé en plein milieu de la route. C’était très rare que quelqu’un vienne s’aventurer sur cette route. Plus personne ne le faisait depuis le drame qui avait frappé la communauté dix ans plus tôt. Mais ce qui l’avait le plus surpris avait été de découvrir le jeune oméga qui chevauchait la puissante moto. Il avait su qu’il en était un quand leur regard s’était croisé et surtout par la beauté qu’il était. Non pas que les autres loups-garous étaient moches, mais les omégas étaient d’une beauté presque irréelle. Et il devait reconnaître qu’il l’était et sur tous les plans.
Sheridan Mahoney était un beau brun aux yeux bleus glacier. Un nez légèrement tordu, des lèvres pleines et légèrement rosées. Ses traits étaient fins. Pas au point d’être androgyne, mais ils étaient assez puissants qu’ils en attiraient les regards. Il était plutôt petit, dans le mètre soixante-dix, mais c’était typique des omégas. Il avait un corps ferme et particulièrement bien musclé là ou il fallait. Ce qui était assez surprenant, car les omégas étaient généralement fins. Mais ce n’était pas le cas du jeune homme. Et de ce qu’il avait vu, il avait l’habitude de courir.
Dans son champ de vision, il vit l’objet de ses pensées sortir du supermarché, les bras charger de sacs. Il le regarda avancer et sut qu’il faisait une boulette quand il sortit de sa voiture et l’interpella :
— Sheridan ! Je sais que c’est totalement impromptu, mais… laissez-moi vous raccompagner.
Le jeune homme haussa un sourcil, mais l’expression de son visage était toujours aussi distante. Cela allait être difficile de s’approcher de lui.
— Je risque de vous mettre en retard pour votre travail, shérif. Je m’en voudrais grandement, lui répondit Sheridan.
— S’il y a le moindre souci, mon adjoint m’avertira. Je peux bien faire cela. Vous m’avez évité cette nuit.
Oran regarda Sheridan hésiter en se mordant la lèvre inférieure. Et bordel qu’il aimerait être celui qui faisait cela. Il aimerait lui faire beaucoup de choses en faite, mais comme il l’avait souligné dans le supermarché, il n’était pas fan des coups d’un soir. Il en avait, il ne s’en cachait pas, mais cela ne lui apportait guère de satisfaction. Enfin… jusqu’à sa rencontre avec le jeune oméga. Et il devait reconnaître que Sheridan était un bel homme.
Trop même.
— Alors j’accepte, lui répondit Sheridan.
Oran s’approcha du jeune homme et lui prit deux des quatre sacs de courses qu’il portait et d’un signe de la main lui fit signe de le suivre jusqu’à sa voiture. Alors qu’ils traversaient le parking, il pouvait sentit la brûlure du regard du jeune homme sur son dos. Sa nuque pour être plus précis. Et savoir qu’il pouvait voir la marque, qui disait qu’il avait été uni, le fit frissonner. Non pas qu’il avait honte de cette marque, parce qu’elle était son passé, mais il n’aimait pas la montrer.
Ils finirent par déposer les sacs dans le coffre de la GTO avant de monter à l’avant. Lorsqu’ils furent installés, Oran prit pleinement conscience de la présence du jeune oméga et de son odeur obsédante et du fait que c’était la première fois qu’il faisait monter quelqu’un à l’intérieur de son bébé. Il avait fini de la restaure un mois plus tôt et il la baptisait avec cet oméga tout juste débarquer en ville et aussi sexy que l’enfer lui-même.
Alors qu’Oran mettait le moteur en route, son regard fut attiré par la silhouette devant sa voiture. Il redressa la tête et posa son regard sur la personne devant eux. Le sourcil haussé, elle laissa ses prunelles naviguer entre Sheridan et lui. Putain, il manquait plus que cela, pensa Oran. Il fallait qu’ils tombent sur la seule personne à ne pas voir. L’une des femmes les plus commères du la communauté. D’ici une heure, toute la ville allait être au courant qu’il avait fait monter Sheridan dans sa voiture. D’ici la fin de la semaine, une rumeur serait lancée qu’ils étaient amants.
— Et merde ! siffla Oran entre ses dents.
— De quoi « et merde » ? demanda Sheridan qui était surpris.
Oran tourna la tête vers lui et le regarda. Bon sang ! Seigneur donnez-moi la force de lui résister. Il le devait.
-- Mais dis donc, il est sacrément mignon, résonna soudainement la voix d’Irvin dans l’esprit d’Oran.
-- Ni pense même pas, chéri. Il n’en est pas question.
-- Pourquoi ? Il serait parfait. Il est beau. Il est physiquement appétissant. Bref, un oméga parfait. Je vote pour.
Oran pouvait presque sentir Irvin sautiller dans son esprit.
— Je te dis que non. Je ne peux pas.
Irvin renifla fort glorieusement dans ses pensées. Bordel ! Qu’avait-il fait pour mériter cela.
-- Dis plutôt que tu ne veux pas, Oran. Pourtant il va bien falloir que…
-- Je ne veux plus en entendre parler. Je…
-- Oran ! s’écria Irvin.
-- Désolé chéri, répondit Oran. Laisse-moi y réfléchir. S’il te plait.
-- D’accord. N’oublie pas que je t’aime, amour. Et que je ferais tout pour te rendre heureux.
-- Je sais, mon cœur. Je t’aime aussi.
Oran rencontra de nouveau le regard de Sheridan. Le jeune homme le regardait avec un sourcil hausser, mais sur son visage était affiché de la… surprise ? Non, c’était autre chose. Il était aussi distant qu’il l’avait été un peu plus tôt dans le supermarché.
— Désolé, j’étais dans mes pensées. La femme qui nous regarde, enchaîna Oran.
— Oui. Elle a un souci ?
— Juste que c’est une des commères de Stone River.
Un long silence s’abattit après les paroles d’Oran. Il osa un coup d’œil vers le jeune homme et vit que celui-ci avait les yeux fermer et qu’il tentait visiblement de ne pas exploser. Et il le comprenait. Parfaitement. Oran lança un regard à la femme avant de passer la marche arrière et de quitter le parking. Étrangement, cela ne le gênait pas que Sheridan ne dise mot. Il n’avait pas su quoi lui dire. Et il doutait qu’un désolé convienne dans une telle circonstance.
Le chemin jusqu’à chez Sheridan se fit dans le plus grand des silences. Du coin de l’œil, il pouvait voir que son compagnon de route regardait le paysage qui défilait par la fenêtre. Il aurait aimé pouvoir rompre le silence, mais à quoi bon. Il ne souhaitait pas se mettre le jeune oméga à dos.
Lorsqu’il arriva devant la maison de Sheridan, il emprunta l’allée avant de se garer. Il avait été surpris quand il avait découvert où le jeune habitait après avoir entré le numéro de la plaque d’immatriculation de sa moto dans la base de données. La maison n’était pas vraiment faire pour une personne seule, mais plus pour une famille. Il y avait assez de place dans la maison pour accueillir un couple avec deux enfants. Et le terrain à l’arrière était également suffisamment grand pour avoir au moins un chien pour qu’il se défouler avec les enfants.
— Vous êtes arrivé, Sheridan, dit doucement Oran en brisant le silence de la voiture.
— Je vous remercie, lui répondit le jeune homme en ouvrant la portière afin de sortir.
Oran le regarda hésiter un moment pour refermer la portière avant de le voir se pencher. Et pour la troisième fois, il fut frappé pas le bleu de ses yeux.
— Je sais que vous m’avez dit que c’était pour me remercier de ne pas vous percuter, mais… sa vous dirait de boire une bière avec moi ?
Oran se retint de sourire.
— Avec plaisir.
Puis il sortit de sa voiture après avoir coupé le moteur de sa GTO.
***
Oran fut fasciné par l’aisance avec laquelle Sheridan naviguait dans sa maison. L’homme était jeune et pas un seul instant il ne c’était imaginer qu’il était capable de faire cela. Les jeunes actuels n’étaient pas vraiment fan pour faire quoi que ce soit. Il avait pensé que Sheridan était l’un d’eux. Imaginant une femme de ménage qui lui faisait tout. Mais ce n’était pas le cas.
— Tu fais tous tout seul dans cette maison ? lui demanda Oran en le tutoyant et en posant sa bouteille de bière sur le plan de travail.
— Ouais, répondit Sheridan. J’ai appris assez jeune à me débrouiller seul.
— Tu avais quel âge ?
— Quinze ans. J’ai vécu de petit boulot sans grande importance pour survivre, répondit-il en omettant de lui parler de Stern.
Oran fut sous le choc. À cet âge, il aurait dû être sous la protection de sa meute. Et non pas être obligé de subvenir à ses besoins tous seul. Il était un oméga bordel de merde. La meute avait le devoir de protéger ses membres. Et encore plus les omégas depuis le changement de leur statut.
— Ta meute ne t’a pas aidé ? demanda Oran en portant la bouteille de bière à ses lèvres.
— Non. Parce que j’ai volontairement fui, ma meute dit d’une traite Sheridan avant de prendre une longue gorgée de bière.
Oran pour sa part, manqua de recracher la sienne. Quels omégas dignes de ce nom et sain d’esprit quitteraient la protection de sa meute ? Il n’en connaissait aucun. La seule chose qui pouvait pousser un oméga à fuir sa meute était : soit la mort de ses parents. Soit le bannissement. Mais aucun alpha, aussi stupide soit-il bannirait un oméga. Encore plus s’il était aussi beau que Sheridan Mahoney.
Mais il se garda bien de le lui dire.
— Je peux te poser une question ? demanda doucement Oran.
Le regard suspicieux de Sheridan se planta dans le sien.
— Oui. Pas de souci, lui répondit le jeune homme en jouant avec sa bouteille.
— Nous sommes en pleine période estivale et pourtant, tu portes un polo à manches longues.
S’il n’était pas à la base un alpha attentif et un shérif, il n’aurait jamais pu voir le léger raidissement de Sheridan. Visiblement, il venait de toucher une corde sensible.
— Je suis très frileux, mentit partiellement le jeune oméga. C’est le comble pour un loup-garou d’avoir froid. J’ai toujours été comme cela.
Oran le dévisagea longuement et fit un signe de tête pour lui dire qu’il avait compris même s’il ne le croyait pas vraiment. Mais il n’allait certainement pas le lui dire. Ce n’était pas le moment. Il fallait qu’il le connaisse un peu mieux pour lui faire comprendre qu’il n’avait pas besoin de mentir.
— Dis-moi, pendant que je te tiens. Tu n’aurais rien vu de bizarre, toi qui habites vers la sortie de Stone River.
— Bizarre dans quel sens ? demanda Sheridan en terminant sa bière.
— Cela concerne les meurtres. J’ai posé des questions à tout le monde sauf à toi. Et je me demandais si tu avais vu quelque chose.
Le raidissement de Sheridan se fit plus prononcer que celui de tout à l’heure. Il pouvait voir son pouls battre la chamade sur sa gorge. Et il n’aimait pas cela. Vraiment pas.
— Je vois régulièrement des loups passés, mais de là à savoir si c’est les victimes et les meurtriers, je ne peux rien dire de plus.
— Donc rien, répondit Oran en voyant que le pouls du jeune oméga s’était calmé.
— Non. Rien, mais quoi qu’il arrive, si je vois quelque chose qui n’est pas normal, je te préviendrais.
— Je te remercie Sheridan.
Ils parlèrent encore longuement quand Oran finit par prendre congé du jeune homme. Sheridan l’accompagna jusqu’à la porte et lui souhaita bonne soirée. Il fit de même et monta dans sa voiture pour partir. Ce fut en partant qu’il remarqua au loin, dans le terrain de Sheridan, une tombe blanche. Il se promit de lui demander qui était enterré dans son terrain.
Une demi-heure plus tard, Oran garait sa GTO devant sa maison. Il regarda la bâtisse qu’il avait fait construire il y avait six ans. Quand il avait su qu’il était temps pour lui d’avancer, il l’avait fait construire.
— Elle est vraiment magnifique, amour. J’ai toujours su que tu avais bon goût, lui dit Irvin.
— Je sais que tu l’aimes. Tu as aimé la précédente. Elle lui ressemble, mais elle est différente sur bien des points, répondit Oran.
— Je sais, j’ai vu ça. Honnêtement, je la préfère. Non pas que je n’aimais pas l’autre, mais elle ne te ressemblait pas.
Oran sourit doucement aux paroles d’Irvin.
— Elle ne nous ressemblait pas, Irvin. Mais c’est dans notre première maison que j’ai mes meilleurs souvenirs.
— Ah ouais ? Lesquels ? demanda Irvin en sautillant.
Oran éclata de rire. Il reconnaissant bien là son compagnon. C’était ce qui faisait son charme.
— Ce que tu peux être curieux !
-- Toujours, amour répondit Irvin. Alors maintenant, dis-moi.
-- Tous d’abord, c’est sur mon perron que je suis tombé amoureux de toi. Tu passais avec tes parents et quand nos regards se sont croisés, c’était le coup de foudre pour moi. Ensuite, tu es entré par effraction juste pour me voir.
-- J’avais des circonstances atténuantes. Tu venais de rentrer nu d’une chasse. Je ne voulais pas te louper en train de te laver, se défendit Irvin.
-- Mouais. Tu aurais pu trouver autre chose que de lancer une pierre dans la vitre. J’ai manqué de te tirer dessus avec mon arme de service.
– Et c’était la plus belle vision qu’il m’a été donné de voir à ce moment-là. Tu étais… magnifique recouvert de mousse.
Oran se mit à sourire plus franchement.
— Et pour finir, c’est dans cette maison que je t’ai fait l’amour pour la première fois et que j’ai découvert que j’étais ton premier. J’étais si heureux, Irvin. Tellement heureux.
— Je l’étais aussi, mon amour. Je n’avais pas imaginé meilleur amant et compagnon de vie que toi. Je ne regrette rien. Je ne pourrais jamais rien regretter de ce que nous avons vécu ensemble.
— Je ne regrette rien non plus, chéri. Je ne regretterais jamais rien nous concernant. Tu as… Tu es les plus belles années de ma vie.
Oran frissonna quand il entendit les pleurs de son homme. Il n’avait jamais aimé le voir pleurer. Encore moins quand c’était à cause de lui.
— Tu es mes plus belles années aussi, mon amour. Et je m’en voudrais toujours pour la douleur que je t’ai affligée.
— Je t’en prie, tu n’as pas à t’en vouloir, Irvin. Jamais. C’était à moi de te protéger et j’ai échoué dans mon rôle de compagnon, répondit Oran en sentant ses larmes coulées. C’était mon devoir. Mon devoir de te protéger. De vous protéger.
Oran ne fut pas étonné de ne pas recevoir de réponse venant d’Irvin. Lorsqu’ils se remémoraient leur passé, cela ne finissait toujours pas des larmes et Irvin se retirait pour panser ses larmes.
Il resta longuement dans sa voiture avant de descendre. La lumière extérieure s’alluma de nouveau grâce aux détecteurs de mouvement et de présence qui entouraient toute la maison. Lorsque la maison avait été construite, il s’était assuré de faire installer un système de sécurité à la pointe de la technologie. Il ne voulait plus avoir des surprises ou plutôt des visions d’horreur en rentrant chez lui. Il avait demandé à un ami, ancien militaire reconvertit dans la création de systèmes de sécurité. Et il avait fait un travail remarquable.
Il déverrouilla la porte avant de poser sa main sur le scan pour l’empreinte de sa main afin de désactiver l’alarme. Puis quand il pénétra à l’intérieur, les lumières s’allumèrent sur son passage.
Il accrocha les clés et laissa son regard errer sur l’immense salon/salle à manger qui était ouvert sur la grande cuisine. Il avait souhaité cette grande pièce pour les réunions avec les anciens. Il ne souhaitait pas aller dans la salle des fêtes quand les sujets traitaient uniquement de la meute.
Oran se dirigea dans la cuisine et sortit une bouteille de bière avant de la décapsuler et d’en boire une longue gorgée. Puis il se rendit vers l’immense baie vitrée et laissa son regard errer sur l’obscurité. La même qui dix ans plus tôt avait vu sa vie basculer dans le néant.
— Je te promets de le protéger, mon amour. Je ferais en sorte qu’il ne lui arrive rien.
Et pour la première fois en dix ans, son cœur et celui de son loup se mirent à battre à l’unisson dans sa poitrine. Suivi de près pas l’écho de deux autres cœurs dont l’un lui était familier pour l’avoir si longtemps entendu contre lui.
— Merci de croire en moi, Irvin.
Toujours, crut-il entendre résonner dans sa tête.
Et il espérait au fond de son cœur, de son corps et de son âme qu’il ne foirerait pas comme la dernière fois.
Car il n’était pas sûr d’y survivre.