Un mug isotherme contenant son café dans une main, Oran Byrne descendit de sa voiture de patrouille. Sébastian, son adjoint et meilleur ami, l’avait appelé tôt se matin pour le prévenir qu’un autre meurtre avait eu lieu à quelques pas du panneau de sortie de Stone River, petite ville dans le comté du Maine. Le coup d’œil rapide à sa montre lui apprit qu’il n’était que dix heures. La journée promettait d’être longue.
Encore une fois.
— Qu’avons-nous aujourd’hui ? demanda Oran en prenant une gorgée de son café.
Il regarda son ami s’approcher de lui et faire une grimace en le voyant faire.
— Je ne sais pas comment tu fais pour boire ton café dans ces circonstances.
— L’habitude, je suppose, répondit Oran en haussant les épaules.
— C’est bien ce qui me fait peur.
Oran se mit à sourire et emboita le pas à Sébastian. Il n’avait pas vraiment besoin d’aller voir, car il savait parfaitement ce qu’il allait découvrir. Mais en temps que shérif, il était tenu de s’y rendre. Avec un peu de chance, ils trouveraient un peu plus d’indices que sur les lieux précédents. Lorsqu’ils arrivèrent sur les lieux, Oran soupira. Merveille. La victime était encore un loup-garou. Ils en étaient à leurs cinquièmes cadavres et d’après les premiers éléments, cela ne pouvait être qu’un alpha. Cela en portait la signature. Les blessures combatives et l’exécution prouvaient que c’était un loup puissant.
— Encore un loup-garou, dit Sébastian en rompant le silence glacial de ce début d’hiver.
— Oui, lui répondit Oran en s’accroupissant pour regarder le corps mutilé. Nous allons devoir subir la communauté après ce nouveau crime.
— J’en ai bien peur, renchérit Sébastian. Tu vas encore devoir supporter les remarques.
De son regard froid, Oran inspecta tout ce qui entourait le corps de la victime. Comme pour les précédents, l’homme s’était battu avant d’être achevé en étant éviscéré. Les branches casées attestaient de la brutalité du combat. Les organes étaient sortis de la cavité abdominale et répendus sur le sol.
— Tu es prêt à prendre des notes ? demanda Oran en reprenant une gorgée de café.
— Je t’écoute chef.
— Bien. Jeune homme entre vingt-cinq et trente ans. De race caucasienne. Métis. Multiples plaies et morsures. Éviscéré d’un seul geste, je pense. Devront avoir la certification avec le médecin légiste.
— C’est noté. Autre chose ?
— Tu as appelé Libourne ? Il faut…
— Pas la peine, me voilà s’écria une voix féminine dans leur dos.
Oran se redressa avant de se retourner et de regarder la jeune femme rousse devant lui. Oksana Libourne. Jeune médecin légiste du comté de vingt-neuf ans. Elle était l’une des plus jeunes à avoir passé son diplôme avec mention et elle connaissait son boulot sur le bout des doigts. Elle avait fait une spécialisation pour travailler sur les corps de loup-garou. Non pas qu’elle s’éclatait à les découper et les autopsier, mais elle aimait étudier ce qui n’était pas normal. Elle aimait voir ce qui se passait dans le corps d’un loup-garou homme ou femme.
Et si le loup-garou était entre deux phases de transformation, alors là, des étoiles brillaient dans ses yeux. C’était quelque chose qu’il appréciait chez elle. Cette passion pour son métier. Comme lui quand il avait son âge.
Il la regarda enfiler ses gants et sortir son matériel pour regarder la victime.
— Loup-garou ? demanda-t-elle alors qu’elle enfonçait un thermomètre dans le corps de l’homme.
— Oui, lui répondit Oran en la regardant faire.
— C’est bien ce que je pensais.
Elle regarda devant elle et un léger bip résonna dans le silence du matin.
— Au vu de la température du foie, additionner à cela celle de l’extérieur, je dirais à vue de nez qu’il est mort depuis plus de douze heures. Je ne vais pas te mentir, Oran. Ton homme a été achevé alors qu’il était sous forme humaine.
Un long silence s’abattit entre les deux hommes et la jeune femme. Manquait plus que cela. Le responsable avait cinq victimes sur son tableau, et beaucoup d’avance sur eux.
— Qu’est-ce qui te fait dire cela ? demanda Sébastian.
— Les morsures et l’éventration, dit-elle sobrement. Elles n’ont pas le même degré d’ancienneté. Les morsures ont été faites alors qu’il était sous forme animale. L’éventration sous forme humaine.
— Donc… Nous avons un alpha qui s’amuse à se battre sous forme animale. Affligé des blessures non mortelles avant de porter le coup de grâce sous forme humaine, énonça Oran. Rien de tel pour déclencher les hostilités. La paix est déjà tendue entre les meutes… les meurtres ne vont pas arranger les choses.
Oran et Sébastian se regardèrent longuement.
— Je vais devoir demander aux alphas de venir. Je vais devoir les prévenir de ce nouveau meurtre à moins qu’ils soient déjà au courant. Ce qui ne m’étonnerait aucunement.
Ils regardèrent Oksana se redresser et faire signe aux deux ambulanciers de venir chercher le corps. Oran les regarda faire et remercia Sébastian d’avoir fait les prélèvements nécessaires.
— Je vais veiller à vous faire les résultats le plus rapidement possibles.
— Je te remercie Oksana.
Les deux hommes la regardèrent partir avec les relevés que Sébastian avait faits avant l’arrivée de tout le monde. Bien, maintenant il allait devoir faire le tour de la petite ville pour savoir si quelqu’un avait vu ou entendu quelque chose. Mais avec leur chance… Ils n’en tireraient absolument rien.
— Que vas-tu faire lors de la réunion de ce soir ? demanda Sébastian en suivant Oran jusqu’aux voitures.
— Leur dire la vérité. Cela ne va pas leur plaire, mais je ne compte pas mentir. La seule chose que nous avons, c’est qu’un loup alpha tue et que nous n’avons aucune piste sur le pourquoi du comment.
— Les dirigeants des autres meutes risquent de mal le prendre. Déjà qu’on te reproche de vivre comme un humain.
Oran se retourna d’un coup et regarda son meilleur ami. Il avait tellement raison. Mais les anciens devraient se mettre dans la tête que leur sang de loup-garou avait depuis longtemps été dilué à cause des nombreux croisements faits au cours des siècles. Qu’ils n’étaient plus ce qu’il était depuis longtemps.
— Je me transforme peut-être en loup à la pleine lune et hors cycle, mais je suis un humain avant toute autre chose.
Sébastian soupira.
-- Je sais cela. Mais tu les connais aussi bien.
Un sourire ourla les lèvres d’Oran.
— Aller. Il est temps que nous allions faire du porte-à-porte pour essayer de savoir quelque chose.
— À vos ordres chef.
Les deux hommes montèrent dans leurs voitures respectives et quittèrent les lieux pour reprendre le chemin de Stone River, ne prêtant pas attention au regard bleu glacier de l’animal qui était cacher dans les fourrées.
***
Il n’était pas loin des vingt heures quand Oran gara sa voiture personnelle, une magnifique GTO bordeaux de 1964 sur une place vide devant la vieille salle des fêtes. Lorsqu’il avait vu les voitures, il n’avait pu empêcher un soupir de s’échapper de ses lèvres. Tout le monde était présent ce soir. Il allait une nouvelle fois vivre l’enfer face à tous et allait encore devoir faire montre de patience et de fermeté.
Il sortit de sa voiture, claqua la portière et allait prendre le chemin de la salle quand son regard tomba sur sa voiture à LUI. Bordel, il avait espéré qu’il ne viendrait pas comme pour les précédents meurtres, mais non. Sa Camaro jaune à bande noire était garée à huit voitures de la sienne. Il se frotta un instant les yeux, soupira et entra dans la salle.
Le bruit des voix flotta jusqu’à lui et il serra les dents, empêchant ses canines de sortir pour faire un massacre. Il détestait cela.
— Du calme, mon amour. Inspire. Expire et cela ira beaucoup mieux. Aller. Reprends-toi et montre-leur une nouvelle fois qui tu es.
Oran ne put s’empêcher de sourire en entendant la voix de son compagnon résonner dans sa tête.
— Merci de me donner du courage, Irvin murmura doucement Oran.
— Toujours, mon amour. Toujours.
Fort de cette aide qui était la bienvenue, il agrippa la poignée, l’ouvrit et entra à l’intérieur. À peine venait-il de poser un pied dans la salle que tout le monde se tut. Il traversa la pièce sans prêter attention à quiconque hormis LUI.
Craden Bishop.
L’homme pour qui il vouait une haine sans nom et qui lui avait échappé il y a dix ans alors qu’avec les siens, il avait décimé la sienne. Et voir un sourire sur ses lèvres lui donnait envie de lui arracher la gorge de ses crocs. Il reporta son regard sur Sébastian qui l’attendait avec Déborah sa compagne depuis sept ans et qui, d’après le geste discret qu’elle faisait sur son ventre, attendait un heureux évènement.
— Bon. Vous savez, je suppose, pourquoi j’ai demandé à vous voir, déclara Oran d’une voix froide et tranchante.
— Pour le corps, trouvez ce matin, répondit un homme. Vous vous rendez compte que c’est le sixième, shérif. Le sixième en moins de deux mois. Vous attendez quoi pour réagir ? Un autre meurtre ?
— Je comprends parfaitement votre inquiétude en ce qui concerne cette affaire. Mes hommes et moi faisons notre maximum pour connaître les raisons de ces meurtres.
Un rire résonna sur sa droite et Oran tourna la tête pour regarder Craden. Bon sang ! Qu’il le détestait. Vraiment.
— Tes hommes et toi faites le maximum, hein ? Pourtant, vous avez été voir tout le monde et je n’ai jamais vu un seul d’entre vous à Death River.
Oran sentit ses pupilles se dilatées dangereusement et ses canines le démangeaient.
— Si tes putains de chiens de garde nous laissaient passer, peut-être serions-nous venus plus tôt. Tu refuses toute présence sur les terres de Death River. Et d’ailleurs, que viens-tu faire ici ?
— J’ai autant le droit que les autres d’être ici. Mais puisque tu le demandes. Six de mes hommes ne sont pas rentrés au bercail. Je suis sur que vos victimes sont mes gars.
Oran haussa un sourcil à la façon dont Craden parlait des loups solitaires. Il avait la vague impression qu’il se prenait pour leur alpha alors qu’il savait parfaitement qu’il n’y avait aucun chef.
Alors que Craden rompait le contact visuel, Oran prit conscience du silence qui régnait dans la salle. Tous les autres alphas étaient au courant de l’animosité qui régnait entre eux. Et il ne s’en était jamais caché. Comme le fait qu’il désirait sa mort plus que toute autre chose. Il attendrait juste le bon moment pour lui régler son compte.
— Tu passeras voir Oksana, la médecin légiste pour les identifiés. Si ce sont les membres de Death River, viens me prévenir.
— Est-ce un ordre, shérif ? demanda Craden.
— Non, c’est, une simple demande répondit, Oran assez froidement.
Il fut surpris quand il vit son ennemi acquiescer face à sa demande. Mais cela ne changeait strictement rien au faite qu’il le détestait.
— Tu vois chéri. Tu t’es montré ferme avec eux et ils ont fini par comprendre.
Oran se retint de sourire en entendant de nouveau la voix d’Irvin.
— Nous allons tout faire pour mettre fin aux agissements de cet homme ou cette femme. Mais nous aurons besoin de vous tous. Et je dis bien vous tous. Ouvrez l’œil. Écoutez ce qui se passe. Noter ce qui vous paraît suspect et surtout, ne laisser pas vos enfants sans surveillance. Je ne tiens pas à devoir vous annoncer une mauvaise nouvelle.
Il regarda les membres se lever et quitter lentement la salle. Craden en tête. Alors qu’il allait se détourner pour rejoindre Sébastian, il vit Ira Delarue se détacher du petit groupe de personne restante pour venir le rejoindre.
— Bonsoir Oran.
— Bonsoir Ira. Dis-moi. Tu ne devrais pas être ici ce soir. Ce n’était pas une réunion pour s’amuser.
— Je sais, dit-elle en remettant une mèche de cheveux derrière son oreille. Je voulais juste te voir.
Oran baissa le regard vers Ira et croisa le sien. Il devait reconnaître que la jeune femme de vingt et un ans était coriace dans son genre. Depuis que la jeune oméga était en âge d’avoir un compagnon, elle n’arrêtait pas de lui tourner autour. Non pas que cela le gênait, car la jeune femme était vraiment magnifique comme l’étaient tous les omégas avec ses cheveux roux et ses immenses yeux bleus, mais il n’était pas vraiment attiré par elle. Comme la majorité des loups-garous, il était pansexuel et trouvait autant de plaisir avec un partenaire masculin que féminin voir transsexuel. Mais il devait reconnaître que depuis quelque temps, il ne trouvait de la satisfaction qu’avec un partenaire masculin.
Il redressa un instant la tête et vit les nombreuses têtes tourner dans leur direction. Il manqua de soupirer de nouveau. Il savait que tous attendaient qu’il la prenne pour compagne, puisque visiblement elle l’avait choisi, mais il n’était pas prêt pour cela. Elle ne pourra donc pas rétablir son statut et de passé d’oméga à alpha. Et lui allait devoir se contenter de la blessure en lui qui était encore bien trop profonde.
— Tu devrais rentrer chez toi, Ira.
Puis sans attendre une réponse de la jeune femme, il se détourna pour rejoindre son meilleur ami et sa compagne.
Il était temps de rentrer chez lui et de se vider la tête. L’assemblé de ce soir l’avait complètement vidé et revoir Craden en chair et en os après tout ce temps ne l’aider aucunement.
— Visiblement, depuis qu’elle t’a choisi, elle ne te lâche plus, lui dit Sébastian en le regardant.
— Elle est trop jeune et elle ne m’intéresse pas. Je… je n’ai pas vraiment la tête à avoir une nouvelle relation.
Une douce main se glissa sous le menton d’Oran et la lui redressa.
— Cela fait dix ans, Oran. Dix ans que tu vis encore avec son ombre et sa voix. Il serait temps pour toi de le laisser partir.
Une larme, puis une autre coula le long de la joue d’Oran. Il ne s’était jamais autorisé à pleurer devant qui que ce soit et encore moins depuis la disparition d’Irvin.
— Je ne peux pas. Je ne peux tout simplement pas le laisser partir. Le faire reviendrait à nier son existence même et ce que nous avons vécu ensemble.
Et surtout, il viendrait à oublier qu’Irvin allait lui donner le plus des cadeaux et que cela lui avait été arraché à tout jamais.
Puis il sentit le bras de Sébastian se glisser autour de sa taille et bientôt ils furent dehors.
Il était tant de rentrer à la maison, de se glisser sous la couette et ne dormir sans se réveiller.
Encore une fois.
— Qu’avons-nous aujourd’hui ? demanda Oran en prenant une gorgée de son café.
Il regarda son ami s’approcher de lui et faire une grimace en le voyant faire.
— Je ne sais pas comment tu fais pour boire ton café dans ces circonstances.
— L’habitude, je suppose, répondit Oran en haussant les épaules.
— C’est bien ce qui me fait peur.
Oran se mit à sourire et emboita le pas à Sébastian. Il n’avait pas vraiment besoin d’aller voir, car il savait parfaitement ce qu’il allait découvrir. Mais en temps que shérif, il était tenu de s’y rendre. Avec un peu de chance, ils trouveraient un peu plus d’indices que sur les lieux précédents. Lorsqu’ils arrivèrent sur les lieux, Oran soupira. Merveille. La victime était encore un loup-garou. Ils en étaient à leurs cinquièmes cadavres et d’après les premiers éléments, cela ne pouvait être qu’un alpha. Cela en portait la signature. Les blessures combatives et l’exécution prouvaient que c’était un loup puissant.
— Encore un loup-garou, dit Sébastian en rompant le silence glacial de ce début d’hiver.
— Oui, lui répondit Oran en s’accroupissant pour regarder le corps mutilé. Nous allons devoir subir la communauté après ce nouveau crime.
— J’en ai bien peur, renchérit Sébastian. Tu vas encore devoir supporter les remarques.
De son regard froid, Oran inspecta tout ce qui entourait le corps de la victime. Comme pour les précédents, l’homme s’était battu avant d’être achevé en étant éviscéré. Les branches casées attestaient de la brutalité du combat. Les organes étaient sortis de la cavité abdominale et répendus sur le sol.
— Tu es prêt à prendre des notes ? demanda Oran en reprenant une gorgée de café.
— Je t’écoute chef.
— Bien. Jeune homme entre vingt-cinq et trente ans. De race caucasienne. Métis. Multiples plaies et morsures. Éviscéré d’un seul geste, je pense. Devront avoir la certification avec le médecin légiste.
— C’est noté. Autre chose ?
— Tu as appelé Libourne ? Il faut…
— Pas la peine, me voilà s’écria une voix féminine dans leur dos.
Oran se redressa avant de se retourner et de regarder la jeune femme rousse devant lui. Oksana Libourne. Jeune médecin légiste du comté de vingt-neuf ans. Elle était l’une des plus jeunes à avoir passé son diplôme avec mention et elle connaissait son boulot sur le bout des doigts. Elle avait fait une spécialisation pour travailler sur les corps de loup-garou. Non pas qu’elle s’éclatait à les découper et les autopsier, mais elle aimait étudier ce qui n’était pas normal. Elle aimait voir ce qui se passait dans le corps d’un loup-garou homme ou femme.
Et si le loup-garou était entre deux phases de transformation, alors là, des étoiles brillaient dans ses yeux. C’était quelque chose qu’il appréciait chez elle. Cette passion pour son métier. Comme lui quand il avait son âge.
Il la regarda enfiler ses gants et sortir son matériel pour regarder la victime.
— Loup-garou ? demanda-t-elle alors qu’elle enfonçait un thermomètre dans le corps de l’homme.
— Oui, lui répondit Oran en la regardant faire.
— C’est bien ce que je pensais.
Elle regarda devant elle et un léger bip résonna dans le silence du matin.
— Au vu de la température du foie, additionner à cela celle de l’extérieur, je dirais à vue de nez qu’il est mort depuis plus de douze heures. Je ne vais pas te mentir, Oran. Ton homme a été achevé alors qu’il était sous forme humaine.
Un long silence s’abattit entre les deux hommes et la jeune femme. Manquait plus que cela. Le responsable avait cinq victimes sur son tableau, et beaucoup d’avance sur eux.
— Qu’est-ce qui te fait dire cela ? demanda Sébastian.
— Les morsures et l’éventration, dit-elle sobrement. Elles n’ont pas le même degré d’ancienneté. Les morsures ont été faites alors qu’il était sous forme animale. L’éventration sous forme humaine.
— Donc… Nous avons un alpha qui s’amuse à se battre sous forme animale. Affligé des blessures non mortelles avant de porter le coup de grâce sous forme humaine, énonça Oran. Rien de tel pour déclencher les hostilités. La paix est déjà tendue entre les meutes… les meurtres ne vont pas arranger les choses.
Oran et Sébastian se regardèrent longuement.
— Je vais devoir demander aux alphas de venir. Je vais devoir les prévenir de ce nouveau meurtre à moins qu’ils soient déjà au courant. Ce qui ne m’étonnerait aucunement.
Ils regardèrent Oksana se redresser et faire signe aux deux ambulanciers de venir chercher le corps. Oran les regarda faire et remercia Sébastian d’avoir fait les prélèvements nécessaires.
— Je vais veiller à vous faire les résultats le plus rapidement possibles.
— Je te remercie Oksana.
Les deux hommes la regardèrent partir avec les relevés que Sébastian avait faits avant l’arrivée de tout le monde. Bien, maintenant il allait devoir faire le tour de la petite ville pour savoir si quelqu’un avait vu ou entendu quelque chose. Mais avec leur chance… Ils n’en tireraient absolument rien.
— Que vas-tu faire lors de la réunion de ce soir ? demanda Sébastian en suivant Oran jusqu’aux voitures.
— Leur dire la vérité. Cela ne va pas leur plaire, mais je ne compte pas mentir. La seule chose que nous avons, c’est qu’un loup alpha tue et que nous n’avons aucune piste sur le pourquoi du comment.
— Les dirigeants des autres meutes risquent de mal le prendre. Déjà qu’on te reproche de vivre comme un humain.
Oran se retourna d’un coup et regarda son meilleur ami. Il avait tellement raison. Mais les anciens devraient se mettre dans la tête que leur sang de loup-garou avait depuis longtemps été dilué à cause des nombreux croisements faits au cours des siècles. Qu’ils n’étaient plus ce qu’il était depuis longtemps.
— Je me transforme peut-être en loup à la pleine lune et hors cycle, mais je suis un humain avant toute autre chose.
Sébastian soupira.
-- Je sais cela. Mais tu les connais aussi bien.
Un sourire ourla les lèvres d’Oran.
— Aller. Il est temps que nous allions faire du porte-à-porte pour essayer de savoir quelque chose.
— À vos ordres chef.
Les deux hommes montèrent dans leurs voitures respectives et quittèrent les lieux pour reprendre le chemin de Stone River, ne prêtant pas attention au regard bleu glacier de l’animal qui était cacher dans les fourrées.
***
Il n’était pas loin des vingt heures quand Oran gara sa voiture personnelle, une magnifique GTO bordeaux de 1964 sur une place vide devant la vieille salle des fêtes. Lorsqu’il avait vu les voitures, il n’avait pu empêcher un soupir de s’échapper de ses lèvres. Tout le monde était présent ce soir. Il allait une nouvelle fois vivre l’enfer face à tous et allait encore devoir faire montre de patience et de fermeté.
Il sortit de sa voiture, claqua la portière et allait prendre le chemin de la salle quand son regard tomba sur sa voiture à LUI. Bordel, il avait espéré qu’il ne viendrait pas comme pour les précédents meurtres, mais non. Sa Camaro jaune à bande noire était garée à huit voitures de la sienne. Il se frotta un instant les yeux, soupira et entra dans la salle.
Le bruit des voix flotta jusqu’à lui et il serra les dents, empêchant ses canines de sortir pour faire un massacre. Il détestait cela.
— Du calme, mon amour. Inspire. Expire et cela ira beaucoup mieux. Aller. Reprends-toi et montre-leur une nouvelle fois qui tu es.
Oran ne put s’empêcher de sourire en entendant la voix de son compagnon résonner dans sa tête.
— Merci de me donner du courage, Irvin murmura doucement Oran.
— Toujours, mon amour. Toujours.
Fort de cette aide qui était la bienvenue, il agrippa la poignée, l’ouvrit et entra à l’intérieur. À peine venait-il de poser un pied dans la salle que tout le monde se tut. Il traversa la pièce sans prêter attention à quiconque hormis LUI.
Craden Bishop.
L’homme pour qui il vouait une haine sans nom et qui lui avait échappé il y a dix ans alors qu’avec les siens, il avait décimé la sienne. Et voir un sourire sur ses lèvres lui donnait envie de lui arracher la gorge de ses crocs. Il reporta son regard sur Sébastian qui l’attendait avec Déborah sa compagne depuis sept ans et qui, d’après le geste discret qu’elle faisait sur son ventre, attendait un heureux évènement.
— Bon. Vous savez, je suppose, pourquoi j’ai demandé à vous voir, déclara Oran d’une voix froide et tranchante.
— Pour le corps, trouvez ce matin, répondit un homme. Vous vous rendez compte que c’est le sixième, shérif. Le sixième en moins de deux mois. Vous attendez quoi pour réagir ? Un autre meurtre ?
— Je comprends parfaitement votre inquiétude en ce qui concerne cette affaire. Mes hommes et moi faisons notre maximum pour connaître les raisons de ces meurtres.
Un rire résonna sur sa droite et Oran tourna la tête pour regarder Craden. Bon sang ! Qu’il le détestait. Vraiment.
— Tes hommes et toi faites le maximum, hein ? Pourtant, vous avez été voir tout le monde et je n’ai jamais vu un seul d’entre vous à Death River.
Oran sentit ses pupilles se dilatées dangereusement et ses canines le démangeaient.
— Si tes putains de chiens de garde nous laissaient passer, peut-être serions-nous venus plus tôt. Tu refuses toute présence sur les terres de Death River. Et d’ailleurs, que viens-tu faire ici ?
— J’ai autant le droit que les autres d’être ici. Mais puisque tu le demandes. Six de mes hommes ne sont pas rentrés au bercail. Je suis sur que vos victimes sont mes gars.
Oran haussa un sourcil à la façon dont Craden parlait des loups solitaires. Il avait la vague impression qu’il se prenait pour leur alpha alors qu’il savait parfaitement qu’il n’y avait aucun chef.
Alors que Craden rompait le contact visuel, Oran prit conscience du silence qui régnait dans la salle. Tous les autres alphas étaient au courant de l’animosité qui régnait entre eux. Et il ne s’en était jamais caché. Comme le fait qu’il désirait sa mort plus que toute autre chose. Il attendrait juste le bon moment pour lui régler son compte.
— Tu passeras voir Oksana, la médecin légiste pour les identifiés. Si ce sont les membres de Death River, viens me prévenir.
— Est-ce un ordre, shérif ? demanda Craden.
— Non, c’est, une simple demande répondit, Oran assez froidement.
Il fut surpris quand il vit son ennemi acquiescer face à sa demande. Mais cela ne changeait strictement rien au faite qu’il le détestait.
— Tu vois chéri. Tu t’es montré ferme avec eux et ils ont fini par comprendre.
Oran se retint de sourire en entendant de nouveau la voix d’Irvin.
— Nous allons tout faire pour mettre fin aux agissements de cet homme ou cette femme. Mais nous aurons besoin de vous tous. Et je dis bien vous tous. Ouvrez l’œil. Écoutez ce qui se passe. Noter ce qui vous paraît suspect et surtout, ne laisser pas vos enfants sans surveillance. Je ne tiens pas à devoir vous annoncer une mauvaise nouvelle.
Il regarda les membres se lever et quitter lentement la salle. Craden en tête. Alors qu’il allait se détourner pour rejoindre Sébastian, il vit Ira Delarue se détacher du petit groupe de personne restante pour venir le rejoindre.
— Bonsoir Oran.
— Bonsoir Ira. Dis-moi. Tu ne devrais pas être ici ce soir. Ce n’était pas une réunion pour s’amuser.
— Je sais, dit-elle en remettant une mèche de cheveux derrière son oreille. Je voulais juste te voir.
Oran baissa le regard vers Ira et croisa le sien. Il devait reconnaître que la jeune femme de vingt et un ans était coriace dans son genre. Depuis que la jeune oméga était en âge d’avoir un compagnon, elle n’arrêtait pas de lui tourner autour. Non pas que cela le gênait, car la jeune femme était vraiment magnifique comme l’étaient tous les omégas avec ses cheveux roux et ses immenses yeux bleus, mais il n’était pas vraiment attiré par elle. Comme la majorité des loups-garous, il était pansexuel et trouvait autant de plaisir avec un partenaire masculin que féminin voir transsexuel. Mais il devait reconnaître que depuis quelque temps, il ne trouvait de la satisfaction qu’avec un partenaire masculin.
Il redressa un instant la tête et vit les nombreuses têtes tourner dans leur direction. Il manqua de soupirer de nouveau. Il savait que tous attendaient qu’il la prenne pour compagne, puisque visiblement elle l’avait choisi, mais il n’était pas prêt pour cela. Elle ne pourra donc pas rétablir son statut et de passé d’oméga à alpha. Et lui allait devoir se contenter de la blessure en lui qui était encore bien trop profonde.
— Tu devrais rentrer chez toi, Ira.
Puis sans attendre une réponse de la jeune femme, il se détourna pour rejoindre son meilleur ami et sa compagne.
Il était temps de rentrer chez lui et de se vider la tête. L’assemblé de ce soir l’avait complètement vidé et revoir Craden en chair et en os après tout ce temps ne l’aider aucunement.
— Visiblement, depuis qu’elle t’a choisi, elle ne te lâche plus, lui dit Sébastian en le regardant.
— Elle est trop jeune et elle ne m’intéresse pas. Je… je n’ai pas vraiment la tête à avoir une nouvelle relation.
Une douce main se glissa sous le menton d’Oran et la lui redressa.
— Cela fait dix ans, Oran. Dix ans que tu vis encore avec son ombre et sa voix. Il serait temps pour toi de le laisser partir.
Une larme, puis une autre coula le long de la joue d’Oran. Il ne s’était jamais autorisé à pleurer devant qui que ce soit et encore moins depuis la disparition d’Irvin.
— Je ne peux pas. Je ne peux tout simplement pas le laisser partir. Le faire reviendrait à nier son existence même et ce que nous avons vécu ensemble.
Et surtout, il viendrait à oublier qu’Irvin allait lui donner le plus des cadeaux et que cela lui avait été arraché à tout jamais.
Puis il sentit le bras de Sébastian se glisser autour de sa taille et bientôt ils furent dehors.
Il était tant de rentrer à la maison, de se glisser sous la couette et ne dormir sans se réveiller.